Dimanche 29 octobre à 13 h 41, la Transat Jacques Vabre la plus difficile au monde a débuté. Le Class40 IBSA franchit la ligne de départ au près, avec une vague de deux mètres et un vent de sud-ouest soufflant en rafales jusqu’à 40 nœuds, mais ce n’est qu’un avant-goût de ce qu’Alberto Bona et Pablo Santurde del Arco trouveront déjà dans la Manche et tout de suite après, en direction de Lorient. Il s’agit d’une étape courte mais intense d’environ 300 milles de cette Transat Jacques Vabre révolutionnée, au cours de laquelle – décision du matin – les Ultim se sont élancés sur la route prévue vers la Martinique, les Class40 et Ocean Fifty navigueront jusqu’au premier port sûr de Bretagne et s’arrêteront ensuite. Les Imoca, quant à eux, sont restés au port du Havre pour le moment, car aucun port le long de la route n’aurait la place de les accueillir et de les protéger pendant la tempête qui s’annonce dans les prochains jours.
Le Class40 IBSA est présent au départ dans le groupe au vent, quatrième à la bouée près de la côte devant le phare de Le Heve, où des centaines de personnes ont bravé les rafales pour voir les bateaux passer la bouée de dégagement. Au-dessus de la falaise qui protège la plage du Havre, des gendarmes à cheval veillent à ce que les gens ne se penchent pas au-delà du rocher lorsqu’ils regardent les bateaux depuis les tribunes d’un stade naturel balayé par les rafales. Tous les regards sont tournés vers la mer, pour ne voir, sous la côte, que les Class40 au près : pour les autres classes, les Ultim et les Ocean Fifty, il n’y a pas de vent au près serré mais un départ droit vers le golfe de Gascogne. Alberto Bona – grand-voile réduite et foc plus petit – prend un bon départ, dans le groupe au vent, il lofe le plus possible pour rester haut sur la bouée et éviter de trop s’approcher de la terre. Il franchi le virage en quatrième position, vire et commence sa course vers Lorient, toujours dans le peloton de tête.
Mais revenons à l’aube de dimanche. À 7 h 30, tous les équipages sont alignés le long du quai. À 8 h 00, l’organisation annonce un nouveau changement dicté par la « tempête innavigable » qui frappera la France et l’Angleterre à partir de mardi. Les Imoca resteront à terre jusqu’à nouvel ordre et Giancarlo Pedote profite de l’occasion pour aller saluer tous les Italiens de la Classe 40 au départ, un geste qui rend encore plus concrète cette vague italienne dans la voile océanique.
Les Class40 prennent la place des Imoca dans la longue procédure de sortie du port. Le Class40 IBSA largue les amarres à 9 h 01. Des étreintes, le cordage reste au sol, la sortie du bassin à lieu sous la pluie. La bande son est composée d’applaudissements, tout le monde applaudissant tout le monde, car nous célébrons ici non pas le marin individuel, mais le courage de partir en mer, l’esprit d’aventure, le défi. La cornemuse est présente comme fond sonore : celle qui marque immanquablement les moments importants des courses océaniques.
Puis la deuxième écluse s’ouvre et c’est le grand large ; comme presque tous les jours en Normandie, la pluie devient soleil et le vent forcit, gonflant les vagues. Il est temps de quitter la protection de la dernière digue et de passer aux choses sérieuses, la course la plus importante et la plus difficile de la saison a commencé. La première étape est courte, mais il est désormais impératif de courir vite, à la fois pour réduire au maximum le temps et pour éviter de se retrouver en Gascogne avec le front qui arrive.